Le 09/07/2020

L’avenir, c'est maintenant : les progrès des robots agricoles

Le directeur de recherche d'IDTechEx, le Dr Khasha Ghaffarzadeh, explique comment les algorithmes améliorés et l'intelligence artificielle contribuent à améliorer la vie à la ferme.

Il est rare de nos jours de trouver un secteur qui ne soit pas imprégné d'intelligence artificielle. Du machine learning qui prédit les comportements et les habitudes d'achat des clients, à la vision artificielle qui pilote la technologie de reconnaissance faciale, la vie quotidienne est truffée d'exemples d'algorithmes et d'automatisation à l’œuvre.

Même le matériel est devenu quelque peu omniprésent. Les robots assemblent des voitures pour l'industrie automobile, assistent les chirurgiens lors d'opérations médicales, aspirent les planchers pour les propriétaires occupés. Alors que certains secteurs comme l'agriculture sont généralement plus lents à adopter de nouvelles technologies, de grands changements sont en cours.

Les robots agricoles sont déjà en service dans les fermes du monde entier, bousculant le secteur de manière nouvelle et différente. Dr Khasha Ghaffarzadeh est directeur de recherche d’IDTechEx et auteur de « Agricultural Robots and AI: A Question of When and Not If » (Les robots agricoles et l'intelligence artificielle : la question est 'quand' et non 'si'). Il nous parle de certaines des choses futuristes qu’il voit en ce moment.

Q : Parmi les différentes façons d'utiliser les robots dans le secteur agricole, quelles sont, selon vous, les plus intéressantes ?

Dr Ghaffarzadeh: Il y a plusieurs composantes du développement. D'une part, les entreprises essaient de développer un outil très intelligent tiré par un tracteur. Ces outils sont dotés d'une vision, ce qui signifie que vous disposez d'un algorithme de vision basé sur le deep learning et qui peut voir, identifier et détecter différents types de cultures. L'outil est donc capable d'effectuer une action très précise. Ici, l'accent est mis principalement sur le système de vision et l'action de haute précision, que cette action soit un système de pulvérisation de précision, un processus mécanique ou autre.

Par ailleurs, une autre composante consiste à avoir un système de précision pourvu d'une technologie de vision avancée avec ce qui pourrait être une technologie de mobilité autonome. Il s'agit généralement de robots de petite à moyenne taille, équipés d'un système de vision et pouvant se déplacer de façon plus ou moins autonome.

Le troisième volet majeur consiste à essayer de développer des robots capables de cueillir différents types de fruits frais. De nombreux progrès ont été réalisés en termes de conception de l'effecteur final, de conception de la machine et, surtout, de développement de tous les algorithmes utilisés pour détecter les fruits et localiser l'outil robotique pour les cueillir.

Q : Qu'est-ce qui a empêché les robots agricoles de bousculer le secteur plus tôt ?

Dr Ghaffarzadeh: Je pense qu'un certain nombre de choses se sont produites. D'abord, la technologie a enfin été démontrée. Au cours des sept ou huit dernières années, certaines avancées technologiques ont réellement permis à ce secteur d'émerger. Sans ces avancées, en particulier dans le domaine de la mobilité autonome et de la technologie de vision, rien de tout cela ne serait possible. Certains préalables technologiques étaient requis et ont maintenant été remplies. Désormais, nous n'avons pas nécessairement besoin de percées technologiques ou d'innovations radicales pour permettre ce processus. Nous avons juste besoin de gains supplémentaires.

Et bien entendu, ces choses prennent du temps car il faut concevoir une machine dont les première et deuxième générations sont généralement des prototypes. Vous devez développer un algorithme et avoir beaucoup d'expérience sur le terrain pour obtenir un feedback important sur votre robot et ainsi améliorer la machine et l'algorithme. Ensuite, vous devez passer par cette épreuve qui consiste à essayer de rendre votre robot plus robuste et plus fiable.

Enfin, vous devez penser à la dimension commerciale et donc, à la recherche de clients, à la démonstration d'exemples d'utilisation et à la proposition de valeur, à la recherche des premiers utilisateurs, etc. Tout cela prend beaucoup de temps, mais bon nombre d'obstacles fondamentaux ont été levés. Ce n’est qu’une question de ‘quand’.

Q : Pourquoi le machine learning est-il si essentiel au succès d'un robot ? Comment la technologie est-elle améliorée pour l'avenir ?

Dr Ghaffarzadeh: Tout comme un être humain, un robot doit être capable de voir pour pouvoir agir. Dans le passé, il était très difficile d'utiliser la technologie classique de vision par ordinateur pour apprendre à un ordinateur à identifier différents types de cultures. Aujourd'hui, ce n'est pas facile, mais il existe au moins un moyen de le faire. Dans toutes ces applications, l'accent est mis sur la visualisation de quelque chose de manière très précise, sa localisation, sa détection et sa mise en action aussi très précise. Cela se destine aux applications de désherbage, aux applications de semis robotisées et à la cueillette de fruits frais.

Une grande partie des progrès qui ont permis d'améliorer la technologie de vision artificielle n'ont pas été réalisés par l'agriculture, mais l'agriculture en a bénéficié. La reconnaissance d'objets, qui permet d'identifier un chat comme étant différent d'un chien, puis de répéter cette action pour plusieurs chats, en est un exemple. L'algorithme utilisé à cet effet est très bon et peut être utilisé dans des applications agricoles pour identifier différentes cultures. C'est différent de la conduite autonome, par exemple, car, dans ce cas, vous devez également être capable de percevoir le monde. Les erreurs dans ce domaine peuvent être fatales, vous devez donc y consacrer beaucoup de temps, collecter des données, former et tester l'algorithme, etc.

Je pense que l'une des principales tendances à venir dans la technologie de vision artificielle est que ces algorithmes très lourds deviendront légers en termes de calculs. Cela signifie qu'il sera plus facile de former l'algorithme et de faire fonctionner le robot, ce qui devrait amener à une réduction du coût de l'ensemble du système au fil du temps.

Q : Comment voyez-vous les agriculteurs réussir à intégrer ces technologies dans leur flux de travail ?

Dr Ghaffarzadeh:À court terme, les humains resteront dans l'équation. Tous ces robots nécessitent des opérateurs experts et ils ont besoin de quelqu'un pour résoudre rapidement les problèmes qui se présentent. L'homme n'a peut-être pas besoin d'être juste à côté du robot, mais il y aura un certain niveau de supervision.

Lorsque vous parlez de l'adoption de ces technologies par les agriculteurs, il est important d'examiner les modèles commerciaux de quelques entreprises. Certains d'entre elles affirment: "Peut-être que nous ne devrions pas vendre cet équipement comme nous vendrions un tracteur." Il est probable que l'équipement nécessite l'intervention d'experts, ou que l'agriculteur ne sait pas encore comment l'utiliser, ou que les machines sont très coûteuses. Ce que ces entreprises disent, c'est qu'au lieu d'envoyer ces machines aux agriculteurs, elles vont les proposer comme un service. L'entreprise viendra faire le désherbage, par exemple, en utilisant les robots agricoles, et facturera ce service à l'agriculteur en fonction de la superficie du champ désherbé.

Cela permet aux entreprises de recueillir davantage de données et d'images, ce qui les aide à améliorer constamment leurs robots grâce un feedback instantané sur la conception des robots. Chaque fois qu'une nouvelle technologie arrive sur le marché, il y a aussi cette crainte qu'elle devienne vite obsolète. Nous vivons une époque où la technologie évolue très rapidement, donc si vous proposez ce service, vous réduisez un peuce risque pour l'utilisateur final.

Q : Quand pensez-vous que la présence de robots agricoles dans les fermes va devenir la norme ?

Dr Ghaffarzadeh: Passons en revue les différentes catégories. Les tracteurs sont déjà capables de fonctionner au niveau quatre d'autonomie (se déplacer sans être accompagné d'un humain mais uniquement dans une zone spécifique), et ils sont très populaires dans des pays comme l'Inde. Je pense que cette autonomie ne s'arrêtera pas là. Cela dit, passer du niveau quatre au niveau cinq d'autonomie (se déplacer sans être accompagné d'un humain quelle que soit la zone) est difficile et pas encore complètement justifié sur le plan économique.

En ce qui concerne les robots autonomes dotés de capacités de vision artificielle et de systèmes de précision ou d'outils très intelligents tirés par un tracteur, je pense que cette technologie est très intéressante. Autrement dit, à l'avenir, ces robots seront capables de voir mieux, voir plus vite, agir plus rapidement et à moindre coût, ce qui rendra donc ces robots plus viables économiquement. Les algorithmes iront au-delà d'un type de mauvaise herbe pour s'étendre à plusieurs types de mauvaises herbes, d'un type de culture à plusieurs types de cultures. Ils serontapplicables de façon plus universelle.

Nous observerons une tendance similaire avec les robots de cueillette. La vision artificielle sera en mesure de fonctionner avec un nombre plus élevé d'images par secondeet les algorithmes seront plus légers sur le plan des calculs, nécessitant donc des ordinateurs moins coûteux et beaucoup plus précis. Tout cela permettra de réduire les coûts. Plus les performances augmenteront et plus le coût diminuera. Et plus le rapport performances / coûts s'améliorera, plus les robots trouveront leur place sur le marché.

Catégories : #Marchés
Auteur
  • Karli Petrovic
    Essayiste à KPwrites.com