Le 18/07/2020

La robotique agricole, une nouvelle caractéristique de la mécanisation agricole durable ?

Les technologies numériques font actuellement partie intégrante de notre vie, et l'agriculture, qui est l'un des secteurs les plus avancés sur le plan technologique, est déjà en pleine mutation vers la numérisation. Les systèmes de détection interconnectés qui peuvent être combinés avec des équipements font partie de l'agriculture depuis les dernières décennies du 20ème siècle. Cependant, la transformation envisagée dans les années à venir peut constituer un bond en avant inédit: l'homme et les équipements autonomes coopèreront dans les travaux agricoles, avec l'efficacité et l'optimisation comme étant l'objectif prioritaire que ces nouveaux systèmes agricoles veulent atteindre.

Malheureusement, ce projet se limite actuellement à seul un type d'agriculteurs, à savoir les agriculteurs des pays en développement, habitués à beaucoup investir dans l'équipement pour être compétitifs en termes de prix et capables de travailler dans leurs grandes exploitations agricoles. Mais de nos jours, la majorité des agriculteurs dans le monde sont plutôt de petits exploitants, qui dépendent de la force de leurs mains, de leurs animaux ou d'un petit moteur pour travailler leurs fermes, généralement de taille inférieure à 2 ha.

Le véritable défi serait alors de s'assurer que ces petits agriculteurs ne sont pas laissés de côté dans le changement qui s'annonce et de leur permettre également de bénéficier des nouvelles avancées que la numérisation peut apporter à l'agriculture. L'essentiel est d'accomplir cela de manière durable, autrement dit, abordable, rentable, adéquate et respectueuse de l'environnement, en évitant d'épuiser ou de mettre en danger les ressources telles que le sol et l'eau. Lavision commune veut également que le passage à l'agriculture numérique signifie l'évolution du concept actuel de grosses machines pouvant fonctionner dans de grandes exploitations, l'économie d'échelle étant le seul moyen de rentabiliser cet investissement, vers un nouveau concept où les parcs ou les essaims de plus petites machines (autonomes ou non), plus spécialisées peuvent couvrir des tâches individuelles de manière plus efficace et en offrant une plus grande précision. La question fondamentale n'est pas la taille de la machine, mais son adaptation aux conditions environnementales, sociales et économiques.

La robotique constitue l'un des moyens possibles pour réaliser cette transition vers un travail plus spécialisé et effectué de façon plus autonome. Les conceptions de robots sont flexibles, évolutives et permettent l'interconnexion avec d'autres machines, capteurs ou véhicules. Il devrait être possible d'adapter leurs performances au niveau de la ferme et du terrain, en s'adaptant aux caractéristiques du champ où ils travailleront. Pourquoi ne pas le faire également pour les petits agriculteurs des pays en développement?

Le défi est grand et de nombreux obstacles jalonnent le chemin. C’est pourquoi les pays en développement optaient plutôt pour la « tractorisation » de l'agriculture. Mais aujourd'hui, nous pouvons voir que de petits moteurs alimentent l'agriculture de pays entiers comme le Vietnam ou le Bangladesh. La taille de leurs exploitations n'a pas entravé l'adoption de la technologie et a clairement constitué un progrès pour les agriculteurs qui ont rapidement adopté des machines pour faire face aux opérations agricoles et au manque de main-d'œuvre. Cela a eu un effet dans l'industrie rurale et bientôt des ateliers spécialisés et des concessionnaires sont apparus pour entretenir et réparer le grand nombre de moteurs utilisés pour pomper l'eau, alimenter les petits tracteurs, les semoirs, les batteuses, etc.

Quelque chose de similaire peut-il se produire avec la robotique? L'enjeu est là, tout comme les opportunités de créer de nouvelles entreprises qui attireront les jeunes et main-d'œuvre spécialisée pour entretenir et faire fonctionner le nouvel équipement numérisé. Ces entreprises serviront également les petits agriculteurs qui auront besoin de petits moteurs et robots pour planter en temps opportun, pour entretenir leurs champs et lutter contre les nuisibles, les mauvaises herbes ou les maladies, parmi certains des travaux possibles que les robots peuvent faire pour eux (en éliminant certaines des tâches lourdes qu'ils effectuent manuellement telles que l'ensemencement ou le désherbage).

Ce projet doit cependant surmonter une série de défis, le plus important d'entre eux étant la capacité. Il est nécessaire de disposer des compétences et des connaissances appropriées, non pas pour concevoir, mais aussi pour fonctionner et comprendre comment travaillent les robots agricoles du point de vue des agriculteurs. De cette façon, les agriculteurs peuvent adapter leurs systèmes agricoles aux avantages que les robots peuvent apporter, comprendre ce qu'ils peuvent attendre d'une machine autonome, et surmonter les problèmes qu'un mauvais fonctionnement peut engendrer. Mais les capacités de tous les autres acteurs, des vulgarisateurs aux décideurs politiques, sont également nécessaires, afin qu'ils puissent contribuer à créer un environnement propice à leur adoption.

L'infrastructure semble également représenter un grand défi.Le besoin de nouveaux réseaux pour les connexions informatiques, la dépendance de la technologie à l'électricité et aux batteries pour alimenter l'équipement ou le matériel et les logiciels adéquats pour leur fonctionnement, sont autant d'éléments qui peuvent être un fardeau pour l'apparition de la robotique dans les systèmes agricoles à petite échelle.

D'autres questions s'ajouteront au processus complexe qui mène à une adoption réussie, tels que la propriété des données, les modèles commerciaux appropriés, la main-d'œuvre adéquate, l'adaptation à l'environnement local, et ainsi de suite.

Actuellement, les robots agricoles en sont à leurs débuts, mais certaines indications de leur potentiel sont déjà indéniables. De nombreuses contraintes sont à prévoir pour leur pleine adoption dans la production agricole, non seulement des contraintes sur le plan technique, mais aussi et surtout sur le plan socio-économique, notamment en ce qui concerne le renforcement des capacités et le grand besoin de comprendre clairement les principes et les technologies impliqués dans la robotique agricole. Toutefois, il est possible que leur polyvalence permette aux robots agricoles d'effectuer des tâches dans des conditions qui, par nature, nécessitent beaucoup de main-d'œuvre, ce qui contribuerait à améliorer les moyens de subsistance des petits agriculteurs dans les pays en développement et à favoriser une production agricole durable dans les régions qui en ont le plus besoin. Cela peut être l'occasion d'accroître l'efficacité de la production, d'améliorer la durabilité de l'agriculture et d'apporter l'innovation et les nouvelles technologies dans des domaines où elle sont actuellement inexistantes. Il est important d'encourager un développement inclusif de cette technologie particulière et de garantir que les nouvelles technologies agricoles, sous la forme d'outils automatisés et de robots, contribuent à améliorer et à promouvoir les principes généraux d'intensification durable de l'agriculture.

L'auteur travaille actuellement pour l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Les opinions exprimées dans ce produit d'information sont celles du/des auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).


Catégories : #Alimentation
Auteur
  • Santiago Santos Valle
    Spécialiste en mécanisation et ingénierie agricoles durables